C’est un matin de février, froid d’hiver dans les rues. C’est un matin de février dans une ville à la SkyLine marquée, dans la brume dense et intense. C’est un matin de février, février aux pas lourds dans la neige, poudreuse dont nous manquions tant. Février là-bas de flocons, ici du reflet brillant du verglas glissant. Glace salée par les autres plutôt que sucrée sur la langue. La ville est de blocs bleus et translucides, de bureaux aux mêmes configurations, de lignes et de casses, de vitres et de glaces, bureaux internationaux. C’est une ville comme les autres, jet de peinture sur la toile mouvementée de la géographie du monde, goutte de gouache aussi large que la métropole. Les éclaboussures font autant de banlieues éloignées qu’il n’y a de tâches. Près de la mer, certaines s’en vont en îles vagabondes, souvenir d’un temps qu’on ne sait pas. C’est un matin de février, février ici ou là-bas, février, tout pareil d’où je viens, dans ces grandes villes où plus rien ne diffère, où la vie est chamboulée et pressante, urgence d’un temps qui passe indéfiniment. Urgence du sablier du monde, intemporel, tempétueux comme la vague du sable sur la colline de l’instant. Pressante.
Mes pas sont lourds dans ta carapace emmitouflée. J’écris une lettre à toi et un mot à eux, je rédige le carnet intemporel qui te décrit, celui d’une ville sans nom. Je t’écris pour ne pas trahir ton image respectueuse de grande métropole, centre multimodal comme ils disent, mondialisation et grands mots interminables, insaisissables, introuvables, pour les rimes. Je marche, donc. Et mes mots dérapent, plume coincée entre le majeur et l’autre d’à côté. J’ai la feuille de travers et les oreilles qui sifflent, ta voix perçante quand tu m’engueules, de tes yeux aux quatre coins des trottoirs patinés. Tu me cries de m’arrêter, en faisant des feux piétons, rouges dans l’instant, pétillants et clignotants. « Stop » qu’il me dit, le bonhomme immobile. Tu me hurles de lever la tête avec ces hélicoptères que tu envoies tout là-haut. Comment ne pas regarder quand le monde autour s’arrête pour observer. « Maman, maman, regarde ! Un coléoptère ! ». Tu me cries de ne pas m’enfoncer dans la neige pesante en faisant de mes pas, des écrasantes trouées parmi les traces de ceux qui ont arrêté de manger. Mais j’écris toujours, puisque mes doigts le peuvent. J’écris toujours, avant que les idées, filantes dans mon esprit, ne se perdent entre les lumières d’ici, concurrencées. Pubs et affichages criards ; les doux lampadaires des villes d’antan sont oubliés.
C’est un matin de février où les gens, bonnets et gants, marchent à l’allure accélérée le long des trottoirs abîmés. C’est un matin de février. C’est un matin de février.
Je radote, me dis-tu, mais je ne sais plus quoi écrire, tu m’as distraite — attention —
— Feu rouge devant mes yeux —
Je radote, je sais, mais que veux-tu que je te dise, ville dont je ne connais le nom, Shanghai ou Tokyo, Paris ou New York ? La neige me donnera-t-elle un indice ou bien le réchauffement est-il devenu un âge glaciaire auquel on n’a jamais su se préparer ?
C’est un matin de février, monde couvert d’une nuée de flocons. Je n’en avais jamais vu avant. Ils sont si lourds et dessinés. Crayon de papier et décalqués, il faut se souvenir de ces flocons tant espérés. C’est un matin de février.
J’arrive, laisse-moi donc terminer ! Occupe-toi de tes tours plus hautes que les sommets ! 850 étages, dis-tu ? Pas assez, continuez !
C’est un matin de février, greniers plus hauts que les nuages, chambres de bonnes, vues sur les planètes. C’est un matin de février, et en espérant trop, on a perdu le soleil. En montant si haut, on a perdu la tête. C’est un matin de février, froid d’un hiver mondial, froid de villes toutes pareilles. Pareilles mers frigorifiées, pareils sommets surplombés. C’est un matin de février, et d’en bas je nous imagine tomber, d’en haut ils crient à l’écrase. C’est un matin de février, où les immeubles, étages interminables, prennent la fuite vers le sol et tombent des nues devant un soleil qui s’est éteint. Point noir, pendu par le fil du désespoir, dans l’immensité du ciel gris, brume ou pollution. Etincelle ? Jamais. Lumière ? Nulle part.
Couverture réalisée à l’aide de l’Intelligence Artificielle intégrée de Canva
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