Cher futur,
Je t’écris cette lettre parce je suis à nouveau pris par un moment de réflexion et je ne peux pas m’empêcher de questionner ce qui est, ce qui a été et ce qui sera. Deux années passées dans cette ville à taille humaine vont bientôt s’écouler et il est donc l’heure de tirer un bilan et de penser à la prochaine étape.
Au total ça fait 480 jours dans ce beau collège des Jésuites, entre journées de frénésie et moments de difficulté, entre cours éblouissants et moments où tout semble se remettre en question. Comment ne pas repenser aux mots qu’on nous a dit en arrivant ici pour la première fois : « Deux années d’épanouissement personnel et intellectuel vous attendent, et à la sortie vous ne serez plus la même personne ». Une promesse très flatteuse, mais en même temps la question qui se pose maintenant est « Ai-je été à la hauteur de ce qu’on m’avait promis ? ». Je te demande donc, cher futur, « Ai-je véritablement profité des opportunités qui se sont offertes à moi pendant ces deux ans ? ». Je pense que finalement, c’est une question légitime à se poser : après chaque étape importante, il faut bien tirer un bilan. Quand on arrive ici, on se dit que l’on va apprendre énormément de choses : on commence à envisager nos deux prochaines années et on n’y voit qu’un parcours académique, fait de cours, essais, exposés et révisions. Alors que maintenant, si j’y repense, ces deux années n’ont pas été que ça. Ce qui les a vraiment caractérisés sont toutes les expériences personnelles eues en dehors de la salle de cours. Beaucoup d’entre nous, pendant ce temps, se sont lancés dans la construction de projets, se sont engagés dans des associations et se sont découverts de nouveaux talents et de nouvelles passions. Tout ça pour comprendre que « construire » quelque chose nous-mêmes, avec notre talent ou même seulement avec notre passion, nous enrichit beaucoup plus que simplement l’apprendre.
J’admets que parfois faire partie d’une équipe, que ce soit une semaine de campagne ou un projet de groupe, l’organisation d’une soirée ou d’un concert, n’a pas été simple. On arrive ici et ayant déjà du mal à gérer notre vie de personne indépendante, l’engagement associatif n’est sans doute pas notre première préoccupation. Ou du moins ce ne l’était pas pour moi. C’est pour cette raison, cher futur, que je te dis que probablement, même si cela m’a pris du temps, j’ai enfin compris ce qu’il fallait vraiment retenir de cette expérience. Finalement, si je devais faire une morale de ce en quoi le milieu universitaire constitue, je dirais que c’est avant tout un endroit d’épanouissement culturel et personnel : de projets réussis et de projets complètement ratés. Finalement c’est un des rares d’endroits où tu peux te lancer dans la musique, dans le théâtre, dans le journalisme, dans le bénévolat, sans trop de soucier si tu vas réussir ou pas : parfois ça sera un échec et parfois ton énergie, que tu pensais cachée, va même te surprendre.
Tout ça pour te dire, cher futur, que j’ai peut-être compris ce qu’il fallait apprendre de ces deux années ici : nous arrivons en tant qu’individus un peu perdus et en sortant, à vrai dire, nous le sommes encore. La différence étant que, si on a eu le courage entre temps de se lancer dans le ring, et de véritablement s’engager pour créer quelque chose qui sans nous n’aurait pas pu exister, être la même personne n’est plus possible, exactement comme la promesse qu’on s’était faite au début. J’espère que dans les années à venir, ces types d’expériences me serviront. Je sais que tu ne pourras pas répondre à cette question, parce que tu ne donnes jamais d’indices. Toutefois, je suis maintenant convaincu que ce qui te caractérise le plus, cher futur, c’est ta capacité à faire en sorte que ce que nous apprenons à travers nos expériences, n’est peut-être pas ce à quoi on s’attendait, mais c’est exactement ce dont on avait besoin.
Gabriele
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