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We have republished this article through The Sundial Press’s partnership with Le Zadig, the journal of Sciences Po Paris Campus of Menton. The original post may be read here. Throughout the year we will be syndicating articles that appear in the newspapers of other Sciences Po campuses.


By Elias Forneris

En lisant le titre de mon article vous me direz tout de suite: “stop! La France s’est débarrassée de la monarchie il y a bien longtemps. Nous ne retournerons pas à la tyrannie. Nous sommes le pays des Droits de l’Homme, le pays des Lumières.”

Je ne préconise pas bien sûr un véritable retour à la monarchie, mais plutôt l’avènement d’une personnalité forte à carrure monarchique. Autrement la présidence mourra d’une mort lente, plombée par des scandales, créant un espace béant pour que les populistes accèdent au pouvoir. Voici pourquoi.

À titre exécutif et régalien, les présidents français de la Cinquième République détiennent déjà suffisamment de pouvoirs; l’on pourrait même dire que parfois, par le biais de l’article 49.3, ils en abusent. Dans cette Cinquième République conçue par le Général de Gaulle, comme l’explique un articlerécent de Foreign Policy, la surcharge de responsabilités présidentielles et les attentes immenses du peuple font que le président décevra invariablement les Français. Ainsi, seule une figure providentielle comme le Général, qui ne suscite aucun doute sur ses capacités, peut combler ces fonctions.

Vous allez me répondre: “c’est facile! Comment allons nous trouver un homme comme Charles de Gaulle aujourd’hui?”

À cela je répondrais que, parmi nos hommes politiques aujourd’hui, il existe des personnalités adéquates pour ce rôle ‘monarchique’, mais que la banalisation de la fonction présidentielle par les derniers présidents, les médias, et le grand public en élimine la possibilité.

Vouloir atténuer le caractère exceptionnel de la fonction présidentielle, c’est l’affaiblir. Nicolas Sarkozy disait très justement dans un des débats de la Primaire de la Droite en automne 2016 qu’un président français ne peut pas être un homme normal. Certes, vous me direz qu’Yvonne de Gaulle faisait elle-même les courses alimentaires pour l’Élysée et que le couple payait sa consommation d’électricité de sa poche, mais cela ne faisait pas de de Gaulle un homme normal. Quand il défilait sur les Champs-Elysées ou s’exprimait à Radio Londres le 18 juin 1940 pour appeler à la résistance, c’était un véritable personnage messianique. Quand François Fillon disait “qui imagine le Général mis en examen?”, il avait raison. Personne ne l’imaginerait, car de Gaulle était unanimement respecté, et il paraissait du moins irréprochable.

Comment faire naître telle figure?
Il faut que la présidence française cesse d’être banalisée, car un président ne porte pas seulement 67 millions de Français, il porte aussi l’Histoire de France. Quand le Président Mitterrand cachait une seconde famille et mettait des citoyens illégalement sous écoute pour couvrir ses traces, quand le Président Sarkozy passait à répétition devant la justice pour des affaires de financement de campagne et autres, ou quand le Président Hollande allait rendre visite à l’actrice Julie Gayet en Vespa avec des croissants; la fonction présidentielle a été petit à petit diminuée, décrédibilisée, et le respect pour les hommes politiques a été progressivement érodé. Les présidents deviennent des hommes comme nous—banaux, pêcheurs — faisant objet de persécution médiatique, perdant toute crédibilité aux yeux des Français et du monde. La présidence française a souffert d’une véritable crise de légitimité, et elle n’est pas la seule. De même, l’activité du Président Trump sur Twitter affaiblit sérieusement son mandat, plus de 55% d’américains ne voyant pas en lui un président crédible.

Il faut que la présidence française cesse d’être banalisée, car un président ne porte pas seulement 67 millions de Français, il porte aussi l’Histoire de France.

Pour que le contrat social fonctionne, comme l’expliquait Jean-Jacques Rousseau, il faut avoir entièrement confiance dans celui auquel on prête sa souveraineté et savoir qu’il ne la confisquera pas ou ne la trahira pas. C’est aux hommes politiques, également, de comprendre que dans une époque où le consommateur demande à avoir plus d’informations, les privilèges et l’impunité ne sont pas permis. Il faut donc également moraliser la vie politique.

Dans un éditorial publié dans Le Point le 8 juin, l’écrivain et journaliste Franz-Olivier Giesbert met en avant des propos similaires:

“Avec le quinquennat, le premier personnage de l’Etat est retombé sur terre, j’allais dire plus bas que terre. Si la France continue de dégrader toutes les fonctions politiques, à commencer par la première, avec le concours des réseaux sociaux, il viendra un jour où plus aucune personne sensée n’aura envie de se présenter à la présidence, de peur d’être coupée en morceaux. C’est ainsi que les Etats-Unis se sont réveillés un matin avec Trump à la Maison-Blanche!”

Entendons-nous, faire dans le cérémonieux en capitalisant sur le sentiment républicain et en élaborant des défilés variés ne suffirait pas pour restaurer la crédibilité présidentielle et cultiver le patriotisme. Cela peut paraître anti-démocratique, mais il est peut-être dans le meilleur intérêt des Français que la fonction présidentielle se distancie des médias et de la sphère publique. Si le président s’exprimait moins, on le questionnerait moins. Si l’on filmait moins ses entretiens et ses agissements, il y aurait moins de chances d’exposer les petites erreurs. Le Président Macron comprend cela, je pense, en menant plus de réunions derrière portes fermées et en maintenant un suspense médiatique autour de l’Elysée. Par exemple, le président a choisi récemment de ne pas donner l’interview traditionnelle du 14 juillet, préférant être un homme de peu de mots et de minutieusement calculer l’image qu’il projette.

Le gouvernement et le parlement sont instables par défaut, mais le président se doit de représenter une continuité inébranlable.

Dans La Constitution anglaise en 1867, l’essayiste Walter Bagehot disait “un monarque devrait être distant et solitaire. Il semble donner des ordres, mais ne semble jamais peiner.” Si la monarchie anglaise est puissante, c’est que la monarchie “est une gouvernance intelligible. Les masses la comprennent, et comprennent peu d’autres formes. […] La royauté sera puissante car elle fait appel aux sentiments diffusés, et les républiques faibles car elles font appel à la raison”. Cela est peut être difficile à admettre pour certains, mais nous pourrions apprendre des Anglais, non en restaurant une monarchie ou une monarchie parlementaire, mais en ‘monarchisant’ le caractère de la présidence dans sa dimension relationnelle avec le grand public. Un président français ne devrait pas avoir l’air de peiner, comme François Hollande a souvent paru lors de son quinquennat, ou comme un Nicolas Sarkozy profondément désorienté après un entretien avec Vladimir Poutine. Un président doit tenir le gouvernail avec un air d’assurance, et les Français seront rassurés. Le gouvernement et le parlement sont instables par défaut, mais le président se doit de représenter une continuité inébranlable.

Machiavel, malgré ses torts, expliquait très justement dans Le Prince que “si un prince ne peut pas toujours avoir les meilleures qualités, il est indispensable qu’il semble les avoir.” Exposer sa personnalité entière au grand public dans la presse c’est exposer ses faiblesses, ainsi le mystère entourant la vie privée et les agissements d’Emmanuel Macron est plutôt bénéfique.

Il manque aux Français un brin de providence. En Angleterre, la Reine a une légitimité religieuse sûre, mais en France, la légitimité républicaine et patriotique est en déclin. Le peuple vote de moins en moins. Il faut un président un peu distant du peuple, mais aimé.

Je ne prescris pas un manque de transparence autour des agissements de la fonction présidentielle, car la transparence est une qualité indispensable de la démocratie, mais il parait clair qu’un Président qui a une vie personnelle figurant moins souvent dans des magazines ‘people’ paraît plus sérieux. Ni ‘hyperprésident’, ni président ‘normal’.

Ainsi, simplifier la fonction, l’humaniser, et y instaurer l’incertitude, c’est la tuer. Or mener un peuple historiquement victorieux comme la France, orchestrer et maintenir un contrat social, est une chose fabuleuse et irrationnelle.

Elias Forneris is a second year student at Sciences Po Paris Campus of Menton and editor-in-chief of Le Zadig, the Menton campus journal. 

 

Photo: Blog Nicolas Bouliane

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