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Par Héloïse Trouvé 

 

« Viva Cataluña !» reprennent en cœur les indépendantistes catalans depuis leur victoire du 1er octobre dernier. Après des décennies de protestations et de réclamations, les Catalans en sont certains, Carles Puigdemont, le Président de la Région et séparatiste de la première heure, obtiendra l’indépendance tant convoitée. Ignorant la non constitutionnalité du référendum sur l’autodétermination organisé par leur exécutif régional et bravant les interdits de Madrid, l’opposition séparatiste manifeste bruyamment son désir de liberté. La capitale répond alors. C’est à celui qui criera le plus fort. Un jeu de chassé-croisé s’établit, presque risible si les enjeux n’étaient pas aussi sérieux.

Quels crédit et légitimité démocratiques donner toutefois à ce référendum, interdit par le gouvernement espagnol mais maintenu de force par l’exécutif régional catalan? Ce dernier s’est déroulé dans des conditions pour le moins douteuses, marquées par des votes non secrets, permettant aux plus déterminés de glisser dans l’urne plusieurs bulletins, et l’absence criante de contrôle des identités. Emballé par la perspective d’émancipation, le parti indépendantiste en arrive à ignorer les premiers principes démocratiques. En effet, bien que l’Espagne soit un état régionalisé, divisé en communautés autonomes ayant chacune un parlement et un gouvernement, celles-ci restent néanmoins soumises à la constitution nationale. L’article 2 de la loi fondamentale espagnole stipule clairement qu’elle tire son fondement de l’unité indissoluble de la nation, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols, même si elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles.

La confrontation n’en est donc que plus exacerbée : elle s’intensifie et s’étend désormais à l’ensemble de la société espagnole. Barcelone s’isole face au reste du pays, où prolifèrent manifestations patriotiques en soutien à l’unité nationale. Cette division du peuple, simple d’apparence, est en réalité loin d’être manichéenne. Elle ne fait pas l’unanimité au sein même des Catalans qui, malgré leur discrétion, sont nombreux à refuser une possible sortie de l’Espagne. Moins médiatisés, les unionistes catalans étaient jusque-là effacés, évincés de ce débat d’idées et de rue, face à l’omniprésence de leurs concitoyens. Bien souvent résignés, peu sont ceux qui se sont mobilisés le 1er octobre dernier. C’est dans ce contexte qu’il importe de reconsidérer le résultat du référendum sur l’autodétermination conclue par 90,18% d’avis favorables à la sortie de l’Espagne, en rappelant son très faible taux de participation de 43%. Cependant, les plus silencieux ont aujourd’hui décidé de s’exprimer. Ils appellent au dialogue et au respect, prônent la modération face à l’ivresse collective. Ennuyeux message, il est vrai, au cœur de tant d’ébullition, de démesure, qui a amené certains indépendantistes à crier parfois même au fascisme, accentuant la fracture au sein des leurs.

L’indépendance à tout prix. Tel est leur objectif. Mais le prix à payer reste obscur, sous l’angle économique d’abord, sachant que certaines multinationales inquiètes envisagent déjà leur retrait de leur siège catalan, et d’évidence sous l’aspect social. Une Catalogne affaiblie se dessine et ce quelle que soit l’issue de la crise. Dans ce climat fiévreux, le gouvernement semble lui aussi un peu perdu. Rajoy, désorienté, assume tant bien que mal son rôle de premier ministre, forcé finalement à la fermeté, puis à la violence devant le jusqu’au-boutisme des indépendantistes qui le poussent maintenant à brandir la menace d’un recours à l’article 155 de la Constitution permettant la suspension de l’autonomie de la Région catalane.

Il est à présent certain que la Catalogne n’est pas prête à se remettre dans les rangs, mais dans quelle mesure? D’un autre côté, quels seraient les effets même immédiats de la suspension de son autonomie ? Quitte ou double ? Reste à espérer que les appels au dialogue qui ont été lancés ces derniers jours par les intellectuels de tous bords, au nom du bon sens, seront plus forts que les ambitions individuelles et l’entêtement collectif.

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Photo: Journal “Le Monde” 

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