By Santiago Robledo
Le 7 Janvier 2018, La 75ème cérémonie des Golden Globes Awards de l’Association de la Presse Étrangère d’Hollywood avait lieu et décernait à l’incontournable Oprah Winfrey, star de la télévision et du cinéma aux États-Unis, un prix d’honneur pour ses exploits accomplis tout au long de sa carrière. Son discours de remerciement, particulièrement galvanisant, a été très bien accueilli, faisant décoller les hashtags #Oprah2020 et #OprahforPresident le lendemain.
Ce n’est évidemment que le symptôme d’un phénomène plus grand. Depuis la candidature de Donald J. Trump aux présidentielles de 2016, la scène politique américaine est le théâtre de grands bouleversements importants dont l’ouverture définitive de la vie politique à des civils, non-initiés à la vie politique. Même si, auparavant, d’autres présidents et personnalités politiques ont été issus de la société civile, ce ne sont que des cas isolés qui se sont rapidement intégrés dans l’establishment politique américain ne jouant jamais autant la carte de l’anti-establishment que le président actuel. Donald Trump critique cet establishement, il s’en détache et le décrédibilise : c’est un outil politique. Aujourd’hui encore, c’est l’une des seules raisons pour laquelle il se maintient au pouvoir, par son indépendance des partis politiques classiques. Toutefois cet outil de campagne, bien que pour l’instant bénéfique, pourrait se retourner contre lui.
L’opinion publique cherche ses sources d’inspirations en dehors des partis traditionnels. Le discours d’Oprah et le débat qui s’en est suivi en sont l’exemple même. Alors que l’establishment peine à se montrer comme un acteur politique à part entière avec les limites d’action des démocrates et la dépendance des républicains aux décisions du président, les stars hollywoodiennes prennent étonnamment subitement du poids.
Entre les talkshows comme le Jimmy Kimmel Live ou The Ellen Degeneres Show, qui s’imposent de plus en plus dans le débat politique, et les discours de plus en plus politisés aux cérémonies artistiques, à l’instar du discours écologiste de l’acteur Leonardo Di Caprio, les personnalités publiques et plus particulièrement les acteurs, ont désormais leur mot à dire.
Leurs idées sont écoutées au même titre que celles des membres du Congrès : leur médiatisation systématique en est la preuve. Lorsque le président des États-Unis descend dans l’arène Twitter afin de se mettre au même niveau que les stars, il permet aux autres célébrités d’être écoutées au même titre que lui. Chrissy Teigen, mannequin et présentatrice, peut tenir tête au président en répondant à son tweet, et l’action reçoit autant de médiatisation qu’un discours au Congrès.
Ce n’est pas tout. Hollywood a déjà commencé à jouer un rôle concret dans la politique conventionnelle. L’élection spéciale du dernier sénateur de l’Alabama a fait couler beaucoup d’encre l’année dernière face aux accusations d’harcèlement sexuel faites au candidat Républicain Roy Moore. Nul ne saura jamais ce qui lui a vraiment coûté sa place au Sénat face au candidat démocrate, lors de ce fief républicain historique mais une chose est sûre : ces accusations ont fait pencher la balance. Or, elles n’ont pu être prises au sérieux et être aussi médiatisées que par le scandale qui secouait Hollywood au même moment.
La vague d’accusation d’harcèlement et de comportements sexuels inappropriés touchant de grands noms de l’industrie comme Harvey Weinstein ou Kevin Spacey a permis de considérer les accusations de Moore comme intolérables pour un membre du Congrès. Un exemple parmi tant d’autres mais qui souligne l’influence d’un scandale Hollywoodien dans la politique américaine.
Le mouvement Time’s Up Now a émergé suite à ces scandales, visant à fournir une équipe de conseillers légaux pour tous les cas d’abus sexuel. Il a encouragé toutes les célébrités invitées aux Golden Globes à se vêtir de noir, en solidarité pour les victimes. Face au soutien d’Ivanka Trump, fille du président et membre de son cabinet, l’actrice Alyssa Milano, une des figures du mouvement MeTo, déclare que l’association serait ravie d’accepter son argent pour pouvoir défendre les cas d’abus sexuel contre son père. L’ironie montre que les actrices et acteurs hollywoodiens ont l’intention de responsabiliser les politiciens américains trop longtemps protégés de ces accusations. Plusieurs sénateurs et représentants des deux partis sont d’ailleurs actuellement examinés pour leur conduite.
Tous ces éléments témoignent des changements de la politique américaine. De nouvelles voix sont à écouter et ce, d’autant plus que ces groupes d’acteurs jouent aujourd’hui d’avantage le rôle de parti d’opposition à Trump que le parti démocrate lui-même. Qui sont, aujourd’hui, les plus fervents protecteurs des droits des femmes, des droits de toutes les minorités ? Qui sont ceux qui, dans leurs discours, parlent des besoins de ces communautés ? Ce sont les acteurs et les actrices qui profitent de leur aura et de leur position privilégiée. Ces ne sont ni les membres de l’establishment ni les figures des partis traditionnels. Si ces candidats souhaitent avoir une chance de l’emporter aux prochaines élections, il leur faudra trouver des personnes sources d’inspiration pour le peuple américain, et ne plus hésiter à aller les chercher parmi celles que l’on considérait avant seulement comme des spectateurs. Les citoyens américains se sentent aujourd’hui plus inspirés et plus concernés par les discours d’Oprah Winfrey ou de Meryl Streep que par ceux de Mitch McConnell, Paul Ryan ou des démocrates.
Même si Oprah ne se présentera certainement pas, le fait que les spectateurs la considèrent plus fiable que l’actuel président augure d’un début de changement de mentalité. Le cas d’Arnold Schwarzenegger ou de Ronald Reagan ne sont que des présages de ce qui peut être possible avec l’entrée du magnat de l’immobilier. Verrons-nous un jour Mark Zuckenberg candidat ? Ce n’est plus complètement improbable …
Les Prix de l’Académie et les Oscars arrivent un mois et ne feront que confirmer cette tendance. Prêtez attention au discours de Jimmy Kimmel, de retour comme maître de cérémonie. Si celui prononcé l’année dernière était déjà empreint de la politique et expliquait l’influence qu’elle avait sur Hollywood, celui de cette année pourrait bien montrer combien Hollywood influence la sphère politique. Les films sur les thèmes d’actualité comme le féminisme, le planning familial, les droits des LGBTI ou les afro-américains seront à l’honneur et c’est principalement par là qu’Hollywood influence le public. Désormais, les stars et non leurs personnages, n’hésitent plus à s’en prendre à la politique.
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